Une contribution de Jacques Giber

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Sur un best-seller du XVIIIè siècle : Manon Lescaut

Après avoir exploré longuement les livres du XXè siècle et du XIXè siécle, souvent illustrés, parfois enrichis d'un envoi autographe, mais (presque) toujours imprimés sur papier mécanique, j'ai voulu trouver un ouvrage du XVIIIè siècle, antérieur à la Révolution Française, dont j'aurais ainsi l'assurance qu'il a été imprimé sur du papier manuel à la cuve. Et j'ai donc jeté mon dévolu sur celui-ci, ainsi décrit par le libraire :
Prévost d'Exiles (dit Abbé Prévost) ; 1697-1763) : Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut . Amsterdam. Au dépens de la Compagnie., 1753 ; 2 tomes in-18 (152mm), veau marbré, dos lisse et doré, pièces de titre et de tomaison fauve, filet doré sur les coupes, tranches rouges (reliure de l'époque) ; [4] Faux-titre et Titre, 11pp. d'Avis, [1]p Nota, 302 pp. , [1] f. d'errata à 5 lignes ; [4], 252 pp. , vignette de Pasquier entête de chaque volume et 8 figures (6 de Pasquier, 2 de Gravelot), gravées par Lebas. [...] Édition définitive très recherchée [...] Ex-libris autographe [...] Discrètes restaurations [...] Bel exemplaire [...]

Grâce à Chronopost, j'ai promptement reçu cet ouvrage célèbre; il allait s'avérer un excellent terrain de jeu bibliophilique.

J'ai ressenti d'abord une émotion particulière, une sorte d'émerveillement paisible, à détenir, pour la première fois, un livre achevé presque exactement deux siècles avant ma naissance, et pourtant si bien conservé, format réduit (155x95x22 mm pour chaque tome) maniable et charmant, reliure attrayante, odeur, contact inconnu du veau marbré, dorures de tranches partiellement usées, dos resté en bon état avec ses menus désaxements des fleurons et les surprenants 'Lescau' sans 't' et 'Tom' sans 'e', contre-gardes et gardes en papier tourniquet harmonieusement vieilli, tranchefiles discrets, signet vert foncé fatigué mais toujours solide, papier blanc, marges larges, typographie nette et bien lisible quoiqu'un peu désuète, surprise de la découverte des 8 illustrations en pleine page hors texte (les figures) et des 2 in-texte (les vignettes), fines et évocatrices, attrait de l'ex-libris de 1789. Il s'ouvre suffisamment pour être lu, mais avec la douceur qu'impose son âge.

Rappelons que Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, roman de l'Abbé Prévost (1697‒1763), est publié pour la première fois à Paris en 1731. Jugé scandaleux à l'époque, il est immédiatement interdit et brûlé. C'est le récit de la relation amoureuse entre deux jeunes gens sortant de l'enfance: des Grieux, issu d'une famille noble, a un coup de foudre pour Manon et s'enfuit avec elle, abandonnant sa famille. Ils vivent ensemble à Paris, mais le chevalier plonge peu à peu dans la pauvreté, le jeu et la criminalité tandis que Manon cède aux avances de riches protecteurs. Elle est finalement déportée en tant que prostituée vers le 'Nouvel-Orléans' et des Grieux décide de la suivre. Après moult mésaventures, le couple s'enfuit dans la région sauvage de la Louisiane, où Manon meurt rapidement d'épuisement et de chaleur. Des Grieux retourne en France. À l'origine, ce roman constituait la dernière partie d'une collection en sept volumes intitulée Mémoires et aventures d'un homme de qualité, ce narrateur, Renoncour, qui rencontre fortuitement des Grieux à Pacy puis à Calais, écoute son récit verbal et le rapporte tel quel. Publiée 'à Amsterdam' en 1753, cette édition en deux volumes est encore révisée et corrigée par P et pour la première fois illustrée de gravures. Elle est considérée comme définitive.

Le Nota de l'auteur signale:
« C'EST pour se rendre aux instances de ceux qui aiment ce petit Ouvrage, qu'on s'est déterminé à le purger d'un grand nombre de fautes grossières, qui se sont glissées dans la plupart de ses Editions. On y a fait aussi quelques additions, qui ont paru nécessaires pour la plénitude d'un des principaux Caractères. La Vignette & les Figures portent, en elles-mêmes, leur recommandation & leur éloge »
Du vivant de Prévost parurent 23 éditions de l’œuvre portant diverses corrections voire additions, plus 4 émissions supplémentaires et 1 contrefaçon de la présente. L'histoire fut notamment reprise plus tard dans les opéras Manon (1884) de Jules Massenet (1842‒1912) et Manon Lescaut (1893) de Giacomo Puccini (1858‒1924).

  • Avant de le lire, examinons-le maintenant de plus près. Après nos travaux sur le papier Hollande Pannekoek du livre de Léon Pierre-Quint, Le comique et le mystère chez Proust (1925) nous avons acquis quelques connaissances sur le papier, le pliage, les signatures, les filigranes, les formats (voir cet article précédent); nous pouvons les mettre en œuvre.
    Nous avons vu que le format hors-tout de la reliure est 155x95 mm. Pour le bloc-papier rogné, c'est plutôt 150x85 mm. Par rapport à la feuille initiale, nous avons perdu une quantité inconnue de marges de rognage sur 3 côtés. C'est une différence avec notre livre de Pierre-Quint, broché et non coupé ni rogné, qui nous avait permis de reconstituer par la pensée la feuille initiale... et néanmoins rester avec quelques motifs de perplexité.

L'érudit franco-américain Henry Harisse (voir note de l'auteur 1) (1829-1910) signale que ''les sept exemplaires brochés découverts par M Potier dans un fond de magasin du quai des Augustins, il y a plusieurs années, ainsi que celui envoyé de Berlin à M Porquet en 1875, portaient 172 par 124 mm. S'il y en a de plus courts, c'est qu'ils ont été rognés à la reliure''. Peut être y avait-il aussi de très grands témoins ?

Quel est le format réel du livre ? Suivons Charles Mortet (voir note de l'auteur 2) et regardons successivement:

  • l'orientation des pontuseaux: ils sont horizontaux; notons aussi qu'ils sont espacés de 28 mm et réjouissons nous qu'il s'agisse ici nécessairement de papier vergé, muni de pontuseaux et de vergeures, il n'y en a pas d'autre à l'époque, le papier vélin, sur fine toile métallique, ne sera inventé que vers 1755 par John Baskerville (voir note de l'auteur 3) et James Whatman en Angleterre et importé par Benjamin Franklin, imprimeur d'origine, en France où il fut perfectionné par Pierre de Montgolfier à Annonay en 1777, puis par François-Ambroise Didot.

  • les signatures: ce ne sont pas des chiffres arabes comme depuis le XIXè siècle, mais des lettres de l'alphabet. Dans le Tome I, l'Avis initial fait l'objet d'un cahier de 12 pages, avec la signature 'a'. puis la pagination reprend à la page 1 avec le cahier A de 16 pages, suivi d'un cahier B de 8 pages, commençant page 17, et ainsi de suite, C page 25, D page 41, etc. jusqu'à Z page 265, puis encore Aa page 281, Bb page 289 se terminant page 302; dans le tome II plus court, jusqu'à V page 233 et X (pas de W bien sûr) page 241 se terminant page 252.

La conjugaison de ces deux caractéristiques: pontuseaux horizontaux et signatures échelonnées pages 1, 17, 25, 41, 49, etc. détermine sans équivoque un format réel in-12 en 8+4, c'est à dire que la feuille entière est imposée sur chaque face de 12 pages, réparties en 3 rangées de 4 pages de hauteurs parallèles aux grands côtés, qu'elle est découpée en deux parties de 2/3 et 1/3 de feuille, qui sont pliées séparément (respectivement 3 plis et 2 plis) avec le petit cahier (le feuilleton ou carton) mis 'dehors' après le grand cahier. Rappelons au passage qu'il existe une seconde façon d'imposer les pages, en 2 rangées de 6 pages parallèles aux petits côtés, ce qui donne des pontuseaux verticaux et un format plus étroit et allongé, et qu'enfin il est possible d'imposer 2 fois 12 pages sur une feuille plus grande, ce qui inversera l'orientation des pontuseaux !

Mais revenons aux signatures. Comme dans les livres de l'époque, elles se poursuivent à l'intérieur des cahiers: Aij page 3, Aiij page 5, Aiiij page 7, sans aller comme parfois jusqu'à la page 11, et pour le feuilleton, seulement Bij page 17. Avec ces répétitions, l'ouvrier plieur avait un moyen facile et rapide de vérifier, sans consulter la pagination, qu'il n'avait pas plié de feuilles à l'envers.

La dimension de la feuille de départ doit donc être légèrement supérieure à 3 fois150 mm en longueur et 4 fois 85 mm en largeur, soit 450x340 (ou, plus largement selon Harrisse et Porquet, 516x496...). Cela nous donnerait selon Mortet, repris par l'AFNOR, un format de départ Couronne de 46x36 cm, soit un volume non rogné de 153,3x90 mm. Mais d'où provient ce papier? Est-ce de Hollande, avec ses propres usages et formats, en suivant la référence à Amsterdam de la page de titre? Pour le savoir, il faut regarder les filigranes.

Tournons donc patiemment les pages en examinant avec précaution, sans trop ouvrir le livre, le papier par transparence :

  • c'est d'abord l'occasion d'admirer l'ombrage très net de chaque côté des pontuseaux, critère d'authenticité du papier manuel comme l'explique le papetier traditionnel corrézien Jean-Pierre Pouy : « Lors de l'égouttage, la plus grande partie de l'eau s'écoule horizontalement, suivant les fils du tamis; l'eau entraîne ainsi les fibres les plus courtes; lorsque le courant rencontre un obstacle, l'eau s'écoule alors verticalement. Ces fibres courtes s'accumulent alors le long du fil de chaîne [fixé sur le pontuseau en bois], provoquant une sur-épaisseur qui forme l'ombre le long du fil dont le relief sur le tamis a pour résultat ce filigrane clair. »

  • page 13 en gouttière, nous distinguons des caractères de 1 cm de haut : 'I' puis un cœur muni de 2 traits divergents orientés vers le centre de la page, puis 'S', 'A', 'II', 'V', 'A', 'D'... Ces caractères sont peu nets, légèrement déformés, et rognés en partie basse ; page 15, sans aucun doute, nous lisons 'AUVERGNE', avec un 'U' déformé et un 'G', plus minuscule de grande taille que majuscule. Quelle surprise, il ne s'agit pas de papier de Hollande, mais de papier de France, fabriqué en Auvergne !

  • notre papier relève donc certainement du Tarif des formats de papier, fins, moyens, bulle, venant ou gros bon fixé par arrêt du Conseil d'Etat du Roi du 18 septembre 1741, tout récent, pris par ''le Roi en son Conseil'' – il s'agit de Louis XV – sur rapport du Sieur Orry, Contrôleur-Général des Finances. Ce document très intéressant se trouve pages 551 à 556 du tome I/VIII du Dictionnaire universel de police ... (1789) de Nicolas-Toussaint des Essarts, accessible sur Gallica. Cet arrêt de 6 pages sur 2 colonnes se décompose en 2 parties. La première, en X articles, co-signée Louis et le Dauphin, Comte de Provence, édicte les règles générales et sanctions applicables, en perfectionnement d'un précédent arrêt du 17 janvier 1739, et impose notamment (art III) que désormais les ''Maîtres Fabricans'' ajoutent aux marques déjà obligatoires, en chiffres 1742 (voir note de l'auteur 4), ''à peine de confiscation tant des formes dans lesquelles ladite marque ne se trouveroit pas, que des papiers qui auroient été fabriqués avec lesdites formes, & de trois cents livres d'amende...''. La seconde, une annexe signée Orry, répertorie en 57 items les dimensions et poids (minimum, moyen, maximum) à la rame de 500 feuilles des différents papiers, en citant au total 82 noms, compte tenu des synonymes, plus quelque-uns sans dimensions arrêtées. Évidemment, avant l'adoption du système métrique décimal (loi du 18 germinal an III - 7 avril 1795), les poids sont indiqués en livres et les dimensions en pouces de 12 lignes (2,256 mm). Nous y trouvons, outre les pittoresques Éléphant, Carré au Sabre, Coutelas, Pantalon, Main Fleurie par exemple, d'autres formats correspondant peut-être à notre feuille de départ : le Couronne ou Griffon à 462x352 mm, mais aussi le Champy ou Bastard à 458x356 mm, ou le Teillère grand format à 469x356 mm (formats dont les ouvriers de cuve - ouvreur et coucheur travaillant de concert avec une paire de formes - devaient fournir 7 à 7 1⁄2 rames par jour précise Lalande !). Les papetiers furent assez réticents à adopter rapidement ces nouvelles normes qui les forçaient le cas échéant à remplacer leurs formes. 
  • qui serait alors le 'Maître Fabricans' auvergnat de notre papier ? Claire Bustarret (voir note de l'auteur 5) cite de nombreux noms de papetiers auvergnats, il y avait pléthore de moulins dans cette province qui était pour Lalande « de toutes les provinces de France, celle dont le papier mérite la préférence, soit pour l'écriture, soit pour l'impression. Les deux villes principales où abondent les manufactures de papier, sont Thiers et Ambert, distantes l'une de l'autre de sept lieues. La première l'emporte, dit-on, pour le papier d'écriture, la seconde pour le papier d'impression. La différence que nous faisons ici entre ces deux sortes de papier, ne vient guère que de la colle, qui n'est pas communément aussi parfaite à Ambert qu'à Thiers.» Laissons de côté ces questions techniques qui nous entraîneraient trop loin, on pourrait lire tout Lalande ... Les noms cités sont Andrieu, Arthaud, d'Auril(h/i)on, Beal, Berger, Bouchet, Chabrier, Cluzel, Cusson, Dupuy, Gourbeyre, Malmenaide, Marcheval, Nour(r)isson, Pign(i)on, Pouchon, Riberolle, Sauvade,Vimal. Et donc Sauvade est notre homme.

La contremarque intégrale se lit finalement ainsi :

Alors comment Henry Harrisse peut-il écrire, juste avant la précédente citation: «C'est à tort que Brunet et les catalogues de vente annoncent des exemplaires sur grand papier ou sur papier fort. L'édition entière a été faite sur une seule espèce de papier, importé de Hollande et d'une même dimension»? D'où tient-il cette importation? A-t-il vu des filigranes hollandais, qu'il ne cite pas? N'a-t-il pas vu les filigranes Auvergne? Y aurait-il eu plusieurs origines de papier? Difficile à démêler, nous ignorons la taille du tirage, en l'absence d'achevé d'imprimer. Ailleurs, il qualifie le livre de petit in-octavo ...

Voici enfin le schéma d'imposition des cahiers A et B sur la feuille de départ, les zones en grisé marquant les marges de rognage, et en jaune clair le cahier B en feuilleton. Le 'F' de 'FIN' (la qualité de papier définie par son poids à la rame) et le '17' de '1742' ont été rognés et l'écusson du cahier B, assez difficile à déchiffrer, est aussi légèrement rogné. Évidemment ces filigranes s'aperçoivent inversés au verso.

Le 'Maître Fabricans' est donc un membre de la dynastie de papetiers Sauvade, le 'I' initial pouvant désigner un Jacques Sauvade. Cette dynastie paraît liée au Moulin Richard-de-Bas à Ambert, puisqu'on trouve (Wikipedia) un Benoît Sauvade (voir note de l'auteur 6), né le 14 juillet 1743 à Ambert au Moulin de Richard, quatrième enfant d'Antoine Sauvade et Marie-Anne Vimal dont les familles possèdent des moulins à papier à Ambert depuis plusieurs générations. Au vu des dates, Antoine est donc un excellent candidat pour être notre 'Maître Fabricans', en utilisant une marque au prénom de son père.

Ce moulin, le dernier en activité en Auvergne, classé Monument Historique (voir note de l'auteur 7), je l'ai visité vers l'âge de 10 ans et je garde le souvenir des énormes pilons de bois entraînés par la roue à aubes triturant inlassablement les chiffons pour fabriquer la pâte. Rescapé d'un autre temps, il a fourni le papier pour l'impression de l'exemplaire unique de la Constitution Française de 1958. Il reste l'un des tout derniers témoins d'une profession qui n'a pas su ou voulu évoluer, puisque les papetiers d'Auvergne notamment, refusant la 'pile hollandaise' ou 'cylindre', plus efficace pour la trituration des chiffons, puis la mécanisation, disparurent au début du XIXè siècle. Notons toutefois que les frères Sauvade tentèrent de moderniser en 1775 la papeterie d'Essonnes (voir note de l'auteur 8), à côté de Corbeil.

Mais revenons à des particularités remarquées en tournant les pages:

  • l'imposition est à 20 lignes de texte par page (plus la ligne de titre), espacées de 4,5mm environ, et de 18 lignes seulement espacées de 5mm dans l'Avis; elle est très aérée, avec de belles marges par exemple d'environ 15mm en fond, 18mm en tête, 22mm en gouttière et 37mm en pied sur une page courante, de taille croissante comme il se doit. Mais ces marges ne sont pas uniformes d'une page à l'autre, parfois le bloc-texte est très remonté, avec une marge de tête de 10mm seulement.

  • à chaque changement de cahier, le premier mot du nouveau cahier est repris en bas à droite en ligne supplémentaire du précédent cahier; est-ce pour que le brocheur ou relieur vérifie aisément la continuité du texte et des enchaînements de cahiers, ce mot redoublé jouant le rôle de la lanterne rouge dans les trains? C'est exactement cela et cela s'appelle une 'réclame', qui littéralement réclame la suite du texte.

  • les premières signatures de cahier, en bas à droite, sont accompagnées de la mention I.Part ou II.Part., à gauche.        
  • 4 signatures sont marquées d'une *: TI, Niij* page 149 et TII, B* page 17, I* page 97, Liij* p125, accompagnées en bas à gauche cette fois-ci de Part.I. ou Part.II. Allan Holland (voir note de l'auteur 9) nous indique qu'il s'agit de 'cartons', au sens de 'feuillet imprimé après coup inséré en lieu et place d'un autre [le cancellandum, coupé en gardant quelques millimètres servant d'onglet de montage du carton] et offrant un texte modifié par l'auteur (voir note de l'auteur 10).
    Pour le premier carton, deux modifications de ponctuation, ''légèrement'' pour ''promptement'' et ''fortune'' pour ''Fortune'', la dernière ligne de la p150 ''en lui apprenant cette fâcheuse'' se trouve curieusement répétée par erreur p151, alors que ces 2 pages ont les 20 lignes réglementaires. Pour le deuxième, ''Qui? Quel Prince?'' pour ''Quoi? Quel Prince?'. Pour le troisième ''mon Rival'' pour ''monRival'' et modification de justification sur quatre lignes [que je ne vois pas!]. Enfin pour le dernier ''sup-/posant'' pour ''sup-/sant''. Prévost s'est efforcé jusqu'au bout d'améliorer cette édition, conformément à sa déclaration du Nota (il y a même une page d'errata). Mon exemplaire n'est pas du tout premier tirage, et nous ne connaissons pas le nombre d'exemplaires du premier et du second. 

Venons-en aux illustrations, la double vignette, la vignette de l'avis, les 8 figures, les culs-de-lampe.

Cette vignette in-texte gravée sur cuivre, de J.J .Pasquier, se retrouve en tête des 2 tomes. Un vieillard montre à un adolescent une colline surmontée d'une colonne; des amours enlacent le jeune homme dans une guirlande de fleurs, tandis que d'autres le tirent par un pan de sa robe; au loin, une femme qui accourt. Au dessous, ces deux vers sur une seule ligne:

Quanta laboras in Charybdi / Digne Puer meliore flamma!


Les vers sont tirés d'Horace (65-8 av), Odes XXVII, et peuvent se traduire:

Ah ! pauvre malheureux,
Mais dans quel gouffre es-tu tombé, quelle Charybde ?
Tu méritais meilleure flamme.


On admirera la concision du latin! Ces vers résonnent avec Les Aventures de Télémaque de Fénelon. D'après Jean-Paul Sermain (voir note de l'auteur 11), Prévost avait bien cette référence en tête dans ses Mémoires et aventures d'un homme de qualité, au point qu'il y fait traduire à son héros le roman de Fénelon en arabe pour introduire l'imprimerie en Orient! Comme l’explique Raymond Picard dans l'édition Garnier de 1965, «Prévost a très probablement inspiré l’interprétation de son illustrateur de 1753 qui a représenté, au début du roman, des Grieux-Télémaque entraîné par Tiberge-Mentor [Tiberge est l'ami inconditionnel de des Grieux, à peine plus âgé, mais beaucoup plus raisonnable] vers la vertu, dont Manon-Eucharis essaie de le détourner avec l’aide de folâtres Amours».

La vignette in-texte de l'avis, non signée, est beaucoup plus fruste. Sa signification, s'il y en a une, est beaucoup plus incertaine. Pourquoi représenter une demeure fortifiée très rustique sur un terrain nu encadré de deux arbres feuillus, où le seul mouvement est le vol groupé de deux oiseaux ? Image sereine ou vaguement inquiétante? Retraite du narrateur vieillissant? Prévost n'est sans doute pas étranger à son choix. En tous cas, on appréciera l’ambiguïté de la justification finale de l'Homme de qualité derrière lequel se cache Prévost: «C'est précisément pour cette sorte de Lecteurs que des Ouvrages tels que celui-ci peuvent être d'une extrême utilité; du moins lorsqu'ils sont écrits par une personne d'honneur & de bon sens. Chaque fait qu'on y rapporte est un degré de lumière, une instruction qui supplée à l'expérience; chaque Avanture est un Modèle, d'après lequel on peut se former: il n'y manque que d'être ajusté aux circonstances où l'on se trouve. L'Ouvrage entier est un Traité de Morale, réduit agréablement en exercice. Un lecteur sévère s'offensera peut-être de me voir reprendre la plume, à mon âge, pour écrire des Avantures de Fortune & d'Amour; mais si la réflexion que je viens de faire est solide, elle me justifie; si elle est fausse, mon erreur sera mon excuse». Venant d'un abbé plusieurs fois enfui de ses abbayes, ancien soldat déserteur, coureur de jupons, criblé de dettes, lié à l'aventurière hollandaise Lenki, et auteur d'un livre rapidement interdit, publié sans nom d'auteur, cela ne manque pas de sel, ni d'audace ! N'y a-t-il pas trace de cette effronterie dans ses portraits ?

Voici les figures, directement photographiées sur le livre, un peu déformées tandis que les hachures produisent des moires:

Elles sont imprimées sur papier légèrement plus fin, pontuseaux horizontaux comme pour le texte, mais il en existe avec pontuseaux verticaux. Elles sont intercalées hors pagination, sans légende, seulement les noms des artistes: ''J.J. Pasquier inv. et sc'' et ''H. Gravelot inv. J.P. Lebas sc.'', avec 'inv.' pour 'invenit': inventa le motif et 'sc.' pour 'sculpsit': tailla, grava. Pour cette première illustration, Pasquier (1718-1785), Gravelot (1699-1773) et Lebas (1707-1783) ont bien travaillé, et finement, proposant des personnages très élancés aux têtes proportionnellement petites, d'allure très juvénile. Comparons à d'autres illustrateurs célèbres, dans la scène de 'La Surprise' absente en 1753, en notant la rotation fortuite du point de vue:

Maurice Leloir en particulier a été très prolifique puisque, outre ses 12 figures extrêmement vivantes, il a ajouté, en tête de chaque page, une vignette qui est une véritable saynète de ce qui y est décrit. Tony Johannot a fait graver ses 20 dessins par différents artistes, d'ailleurs souvent des femmes et anglaises, ce qui fait qu'ils manquent un peu d'homogénéité. Edmond Hédouin enfin n'a livré que 5 figures plus un portrait de Prévost en frontispice, mais détaillées et dramatiques.

Le reste de l'illustration comporte 6 fleurons compliqués in-texte et 3 lettrines que A. Holland a scrupuleusement relevés.

Terminons avec l'ex-libris manuscrit à la plume et à l'encre rouge en tête de chaque tome. Le nom est Meurié ou Meunié, qui était couvreur à Corbeil en 1789, date à laquelle il a probablement pris possession du livre. Nous ignorerons toujours des mains de qui; pour moi-même, je ne le sais pas non plus et je ne déposerai pas d'ex-libris. Il est quand même émouvant de pouvoir saluer à distance ce lecteur du passé, et de retrouver son nom, qui est bien Meunié, parmi les noms sans prénom des signataires du Cahier de doléances de la ville et faubourgs de Corbeil du 15 avril 1789 (voir note de l'auteur 12). Quelques recherches m'ont quand même permis d'en savoir plus (voir annexe).

Pendant la rédaction de cet article, j'ai lu le roman dans une version typographiquement modernisée (Pléiade 1960), mais en revenant souvent à la version d'époque. Que de contretemps, quelle persévérance de la malchance dans cette trajectoire linéaire vers le désastre final. Prévost nous avait prévenus dans l'Avis, présent depuis 1731, avec de menues variantes:

«J'ai à peindre un jeune Aveugle, qui refuse d'être heureux, pour se précipiter volontairement dans les dernières infortunes; qui, avec toutes les qualités dont se forme le plus brillant mérite, préfère par choix une vie obscure et vagabonde à tous les avantages de la Fortune & de la Nature; qui prévoit ses malheurs, sans vouloir les éviter; qui les sent & en est accablé, sans profiter des remèdes qu'on lui offre sans cesse, & qui peuvent à tout moment les finir; enfin un caractère ambigu, un mélange de vertus & de vices, un contraste de bons sentimens et d'actions mauvaises.»

Ne parle-t-il pas un peu de lui-même, dont l'existence a été si chaotique ? En tous cas, il ne dit pas un mot de Manon, si amoureuse de son chevalier, attachée à lui quand le gîte et le couvert lui sont assurés, mais insouciante et qui va bien vite chercher la sécurité d'un riche protecteur quand le chevalier ne peut plus subvenir à ses besoins minimum. Cette histoire d'amour fou, c'est l'Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut sur la page de titre, les Avantures du Chevalier des Grieux dans l'Avis, mais l'Histoire de Manon Lescaut après l'Avis et en tête des pages. C'est elle qui mourra et c'est son nom à elle qui restera dans la mémoire populaire, comme dans celle de son amant, et dans les opéras.

Ce roman a suscité une quantité d'études et d'articles, j'en ai parcouru quelques-uns (voir note de l'auteur 13), et pour le replacer dans le cadre des 13 romans de Prévost, écrivain par ailleurs prolifique, je recommande Labyrinthes de la mémoire. 12 études sur l'abbé Prévost de Jean Sgard (l'éditeur des œuvres au Presses Universitaires de Grenoble), Herman Editeurs Paris 2010.

Enfin, pour qui veut en prendre connaissance dans sa configuration du XVIIIè siècle, il se trouve à la Bibliothèque Nationale sous la cote Y2 3278 et est accessible sur Gallica, avec la notice suivante, qui récapitule presque tout :

Titre: Histoire du chevalier Des Grieux, et de Manon Lescaut. Publication: A Amsterdam, aux dépens de la Compagnie {i. e. Paris, François Didot ?}. M.DCC.LIII. Faux titre: Histoire de Manon Lescaut. Première {-seconde} partie". Titre courant: Histoire de Manon Lescaut - Par Antoine François Prévost. - Les f. N3 de la 1re partie, B1 et I1 de la 2e sont des cartons. Éd. considérée comme l'éd. légitime et définitive (cf. H. Harisse, "Bibliographie de Manon Lescaut", Paris, 1877, p. 63 sq.). - Publié sous permission tacite accordée au "s[ieu]r abbé Prévôt" (BnF, ms. fr. 21994, n° 179 : sans date).- Fausse adresse : publié et impr. à Paris d'après Allan Holland, "Manon Lescaut de l'abbé Prévost 1731-1759. Étude bibliographique et textuelle", Genève, 1984, p. 148 sq [?], probablement publié par François Didot d'après l'annonce parue au "Mercure de France" de mai 1753 et impr. à Paris d'après les usages et matériel typogr. ainsi que le papier (Auvergne).- Pl. gr. sur cuivre, 6 signées : "J. J. Pasquier inv. et sc." et 2 : "H. Gravelot inv. J.P. Lebas sc.". 1er état des pl. (cf. H. Harisse, op. cit.). Vignette gr. sur cuivre en tête de la p. 1 de chaque partie signée : "Pasquier". Ornement au titre de chaque partie, bandeau et lettrines gr. sur bois, culs-de-lampe typogr..- Errata à la fin de la 1re partie

ANNEXE : Recherches à partir de ''Meunié Couvreur à Corbeil 1789''

Après quelques tâtonnements, je me suis reporté aux registres paroissiaux numérisés de Corbeil dans les archives de l'Essonne. C'est ainsi que dans les registres de la paroisse Saint Jacques de Corbeil, sous la signature du curé Duval, je trouve les noms de Louis Mathurin Meunié, maître couvreur, et de son épouse Geneviève Labossette, à l'occasion du baptême de leur fils Jacques Raphaël «né hier», le 24 octobre 1787. J'y retrouve la signature de l'ex-libris. Hélas, son inhumation à 3 mois est inscrite aussi le 18 janvier 1788. Cette année a été très douloureuse pour le couple, qui devait perdre un autre fils, sans doute leur aîné, Louis Narcisse, inhumé le 25 juin 1788 à l'âge de 6 ans 1⁄2 ; la mortalité infantile était forte à l'époque et habituelle comme ces registres paroissiaux en donnent d'autres preuves.

Je ne trouve pas mention de leur mariage, peut-être célébré ailleurs. Je note la prévalence du prénom Louis dans la famille Meunié, accompagné de noms de saints des premiers siècles: Mathurin de Larchant († IIIè siècle), Narcisse de Jérusalem († 212). Mais ce prénom Louis paraît avoir été très répandu à cette époque.
En tous cas Louis-Mathurin est mort avant 1830 (sans laisser de trace à l'état-civil, voir ci-après) puisque les Archives Nationales signalent dans les minutes et répertoires du notaire Jean-Baptiste Poisson (étude XII de Paris) un ''inventaire après décès de Geneviève Laboistette [sic] veuve de Louis-Mathurin Meunié'', daté du 19 juin 1830. Il faudrait accéder au document papier pour en savoir plus. Il semble cependant d'après les informations collectées sur Geneanet par des amateurs de généalogie que cet inventaire a été établi à la requête de Jean Saurey, dont le nom se retrouve dans un acte de donation du 8 décembre 1830 chez le même notaire, au bénéfice de Marie Agathe Geneviève Françoise Meunier [sic], épouse de Jean. Notre couple Meunié aura donc eu aussi une fille, non décédée en bas âge.

J'ai caressé un certain temps l'espoir qu'ils aient aussi été les parents de l'architecte Symphorien [de Symphorien d'Autun († IIè siècle)] Louis Meunié (1795-1871), donné dans sa biographie comme né à Paris IXè d'un père non prénommé, mais entrepreneur, ce qu'aurait pu devenir un maître couvreur. Malheureusement l'état-civil de Paris numérisé, en ligne, ne donne qu'une fiche simplifiée car, détruite lors des incendies de la Commune en mai 1871, sa partie antérieure à 1860 n'a été reconstituée que pour un tiers sur 8 millions d’actes perdus. De passage à Paris j'ai consulté aux Archives de la ville les microfilms de ces reconstitutions. L'acte de mariage (21 novembre 1827) de Symphorien avec Aimée Dupuis (1803-1864), précise hélas qu'il est le fils de André Louis Meunié 61 ans, entrepreneur en bâtiment, et de Aimée Pauline Jacques, 60 ans, tandis qu' Aimée est la fille de Sophie Dupuis (1777-1846), mais il passe sous silence que son père est l'architecte Fontaine (1762-1853), qui ne l'avait pas reconnue, bien qu'ayant entretenu une liaison avec sa mère jusqu'au décès de celle-ci. Dommage, parce que l'histoire de Fontaine est très curieuse (voir note de l'auteur 14) et aussi parce que la descendance de Symphorien et d'Aimée conduit notamment à leur bru Félicie Meunié d'Hostel (1843-1935), bibliophile, entre les mains de laquelle j'aurais bien vu passer mon exemplaire de Manon Lescaut, même si je n'y trouve pas son ex-libris mystérieux et paisible...

Notes de l'auteur

1  In Bibliographie de Manon Lescaut et Notes pour servir à l'histoire du livre, Damascène Morgan et Charles Fatout, Paris 1877 seconde édition, opuscule dont je possède l'exemplaire 51/300 sur Hollande, mais qui est accessible sur Gallica.

2  Charles Mortet (1852-1927), diplômé de l’École des Chartes, a été administrateur de la Bibliothèque Sainte-Geneviève et président de l'Association des Bibliothécaires Français. Le Format des Livres, Paris, 1925, son étude des formats de papiers et des livres anciens, des pliages et des signatures, est scrupuleuse et complète, c'est même un fascinant exercice intellectuel à lire très attentivement

3  Imprimeur à Birmingham (1706-1775) célèbre pour ses créations de caractères typographiques, employés notamment par lui-même pour l'impression des œuvres de Virgile en 1757, la première sur vélin, et par Beaumarchais pour celles de Voltaire à Kehl en 1785.

4  Dans son Art de faire le papier, (1761 et nouvelle édition augmentée, avec planches, 1820, elles reprennent aussi l'arrêt de 1741) extrêmement éclairant sur tous les aspects de la fabrication, M de Lalande note que «le règlement de 1688 exigeait aussi que l'on marquât sur la feuille l'année de fabrication, mais il était trop difficile de faire un changement dans les formes toutes les années; et l'on a jugé devoir se contenter d'une marque perpétuelle et constante». Par ce biais, tout en appliquant la loi, les papetiers cherchaient à soustraire leur production au contrôle fiscal que cette mesure était censée intensifier, souligne Claire Bustarret (voir note suivante).

5  https://journals.openedition.org/genesis/908#tocto1n1 Article Usages des supports d'écritures au XVIIIè siècle, une esquisse codicologique (2012). Claire Bustarret y rend compte de l'analyse matérielle de ''corpus massifs'' de manuscrits d'auteurs du XVIIIè: Montesquieu, Condorcet, Rousseau, Buffon, Condillac.

6  Ordonné prêtre en 1767, Benoît est curé de diverses paroisses de la région, puis chapelain de la Maison Royale des Tuileries à Paris. Il est aussi inventeur, mettant au point une machine hydraulique pour pomper l'eau et empêcher les navires de couler, ou assécher les marais. Ayant vécu dans un moulin, il connaît le métier de fabricant de papier, il cherche des procédés pour améliorer la qualité du papier et sa résistance aux insectes. Il est enfin le héros malheureux d'une curieuse anecdote et d'un tragique croisement de deux dynasties. Il est accusé, avec son cousin Jean-Blaize Vimal et un nommé Guillot, de fabrication de faux assignats; les trois hommes sont condamnés à mort et montent à l'échafaud place de Grève le 27 août 1792. C'est Gabriel Sanson, plus jeune fils et assistant depuis 1790 du célèbre Charles- Henri Sanson (1739-1806, 'Monsieur de Paris', 4è bourreau de la dynastie, l'un des seize co-exécuteurs de Damiens en 1757, exécuteur du Chevalier de la Barre en 1766, militant et premier utilisateur de la guillotine le 25 avril 1792, exécuteur hésitant de Louis XVI le 21 janvier 1793) qui officie. Benoît Sauvade meurt en clamant son innocence. Gabriel Sanson, voulant montrer l'une des trois têtes à la foule, glisse, tombe de l'échafaud et se tue ! C'est au fils aîné de Charles, Henri, que reviendra alors la charge héréditaire, son fils Charles-Henry, sixième et dernier représentant de la dynastie, officiera jusqu'en 1847.


7  La base Mérimée indique: «Façades et toitures de l'ensemble des bâtiments, les salles de la machinerie au rez-de-chaussée, les salles de l'étage d'habitation dans le bâtiment principal, la grange et le séchoir (cad. F 1120) : classement par arrêté du 30 décembre 1983. Le moulin de Richard-de-Bas est le dernier édifice de ce type qui ait conservé son activité et son outillage traditionnel (site d'exploitation papetière connu au 15e siècle). Il constitue un témoin précieux de l'industrie de la région d'Ambert au 18e siècle. Cet ensemble de bâtiments des 18e (millésime 1720 sur la clef du portail) et 19e siècles a remplacé des constructions plus anciennes, probablement d'époque médiévale. Il comprend : un corps de logis abritant les ateliers au premier niveau et l'habitation au deuxième ; un bâtiment en retour comprenant un débarras et l'étable au premier niveau, le séchoir au second ; une grange. La roue de dessus charpentée de bois est à augets, elle actionne cinq piles de trois maillets à battre les chiffons et une presse à cabestan en bois qui permet d'essorer les porses de papier [assemblages de feuilles et de feutres, pour pressage]. Toutes ces constructions sont d'une architecture très simple, très rurale, représentative de l'architecture vernaculaire. C'est en 1793 [sic!] que fut mise au point la machine à faire le papier, invention qui va marquer le début de la disparition des petits moulins. Seul le moulin de Richard-de-Bas a conservé son mécanisme intact, lequel comprend essentiellement la roue à aubes, le cuvier et la presse. Un musée du papier installé dans les bâtiments permet d'assister à la fabrication du papier à l'ancienne.»


8  Une des plus anciennes papeteries de France située à Corbeil-Essonnes. Aujourd’hui disparue, elle a vu le jour dans les années 1354. D’abord, moulin à papier, elle s’industrialise en 1775 sous l’impulsion des frères Sauvade qui installent l’un des premiers cylindres. Elle subit un premier échec. Les investissements sont trop ambitieux pour l’époque. Reprise en 1779 par quelques nobles et officiers royaux, on y installe six cylindres avec l’aide de Jean-Guillaume Ecrevisse [français né en Hollande, promoteur de la pile hollandaise]. Elle devient alors une entreprise modèle par ses capacités de production. Rachetée en 1789 par Pierre-Francois Didot (autre membre d'une prolifique dynastie, dont l'ancêtre François (1689-1757), ami de notre Abbé Prévost, édita notamment son Histoire Générale des Voyages en 1746), puis cédée à son fils Léger qui embauche Louis-Nicolas Robert comme responsable de la fabrication. C’est à ce dernier qu’on doit l’invention de la machine à papier, brevetée en 1799. Peu de temps après, la production est arrêtée, faute de capitaux suffisants. Reprise par de nouveaux actionnaires, on y installe une, deux, puis trois et enfin quatre machines à papier. Après un troisième dépôt de bilan en 1866, l'usine passe ensuite sous le contrôle de la famille Darblay, puis ferme définitivement en 1998. (D'après http://glossairedupapetier.fr/ )


9  Manon Lescaut 1731-1759 Étude bibliographique et textuelle, Slatkine, Genève 1984. A ce stade, je révèle un autre ouvrage, découvert aussi en cours de recherches, qui m'a permis d'approfondir ma connaissance des éditions de l’œuvre. Cet universitaire australien de Melbourne a fait un travail très minutieux et normalisé de description et de généalogie des éditions du vivant de Prévost, les nommant de A à W, la nôtre est S. Il prend la suite de Max Brun, et avant lui de Henry Harrisse.

10 Manuel de Bibliophilie ; Dictionnaire. Christian Galantaris. Edition des Cendres. Paris 1997

11 Sermain Jean-Paul, Les Aventures de Télémaque: un titre programme, Littératures classiques, 2009/3 (N° 70), p. 147-153.
DOI : 10.3917/licla.070.0147. https://www.cairn.info/revue-litteratures-classiques1-2009-3-page-147.htm

12 Cahier de Corbeil (Paris). In: Archives Parlementaires de 1787 à 1860 - Première série (1787-1799) sous la direction de Emile Laurent et Jérôme Mavidal. Tome IV - Etats généraux ; Cahiers des sénéchaussées et bailliages. Paris : Librairie Administrative P. Dupont, 1879. pp. 459-461.http://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1879_num_4_1_2134

13 Delesalle Simone, Lecture d'un chef-d'œuvre : Manon Lescaut. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 26e année, N. 3-4, 1971. pp. 723-740.DOI :https://doi.org/10.3406/ahess.1971.422440 www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1971_num_26_3_422440
Chapiro Florence, Du corps au cœur: la fonction morale du pathétique dans Manon Lescaut , Littératures classiques, 2007/1 (N° 62), p. 123-134. DOI : 10.3917/licla.062.0123. URL :https://www.cairn.info/revue-litteratures-classiques1-2007-1-page-123.htm
Joly Raymond, Les fantasmes de l'argent dans l'Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut. In Man and Nature Vol 1 1982 https://www.erudit.org/fr/revues/man/1982-v1-man0227/1011786ar/, et les préfaces de Jules Janin, d'Arsène Houssaye, de Maupassant.

14 Insolite personnage que ce Pierre François Léonard, fils de Pierre Fontaine, architecte-fontainier [!] et de Marie-Jeanne Meunier [!]; impavide architecte successivement de la Convention (salles de la Convention et des Cinq-Cents au Palais Bourbon...), de l'Empire (la Malmaison, l'Arc de Triomphe du Carrousel...) puis de la Restauration (la Chapelle Expiatoire, les domaines des Orléans...), il travaille en tandem, particulièrement sous l'Empire, avec son alter-ego et ami des années d'études Charles Percier (1764-1838), peut-être en application d'un pacte de jeunesse; ils étaient surnommés ''les étrusques''. J-P Garric conclut un article sur Sophie: « [A sa mort ] Fontaine note dans Mia Vita, à destination de ses [4] petits enfants : ''Après 53 ans [sic] de l’union la plus tendre je reste au monde pour la pleurer''. L’architecte avait néanmoins décidé de partager son tombeau du Père Lachaise [28è division, 12è ligne, R31] avec Charles Percier et Claude Bernier, plutôt qu’avec celle qui avait apporté la couleur à l'un des temps forts du livre d'architecture française ». En effet, il avait formé cette orpheline de l'architecte Dupuis au dessin, à l’aquarelle et à la gravure, et lui avait confié, avec l’accord de Percier, la mise en couleur des estampes de leur premier recueil (C Percier, P Fontaine, C Bernier Palais, maisons et autres édifices modernes dessinés à Rome, Paris, les auteurs, 1798) ... puis lui avait fait une unique enfant qu'il visitait chaque soir chez sa mère après sa journée de travail, avant de rentrer chez lui. Il organisa le mariage avec son élève et employé Symphorien, alors Inspecteur des travaux du Palais-Royal., tandis que Percier/Fontaine avai[en]t fait travailler André Louis à la construction de l'hospice d'Enghien patronné par Adélaïde d'Orléans, sœur cadette et 'égérie' du futur roi Louis-Philippe, rue Picpus, sur l'ancien emplacement d'une 'folie' de Ninon de Lenclos.

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